Les mots surlignés font l'objet d'une note
1Monsieur, par voz lettres du XIIe du present que jay receu par le sieur de
2Savines, vous me faictes tant dhonnestes demonstrations que doresnavant
3je demeure entierement votre pour vous servir fidellement en tout
4ce quil vous plaira. Jestoys lors sur le point de quicter mon entreprinse
5touchant la reparation de ce lieu pour la craincte que javoys de vous
6deplaire, mais, puys que jay eu une telle declaration de votre bonne
7volunté, je la feray continuer quant la gelée sera cessée ; totteffoys,
8avant que passer plus oultre, jay avisé vous envoyer ce gentilhomme
9avec copie du procès verbal que jay dressé sur ladicte reparation
10pour vous faire eonnoiste de quelle façon je y ay proceddé et
11entens proceder, affin que vous en soyés instruict amplement
12et quil vous plaise y reformer et mordonner ce quil vous plaira,
13vous assurant, monsieur, que je veulx conformer tottes mes actions
14à votre volunté comme jespère en plus grandes occasions le vous
15faire parêtre, Dieu aydant, mesmes sil vous plaict de nous donner
16en ce lieu une compagnie de cavalerie suyvant loffre quil vous
17plaict men faire, je memploieray en tout ce que je porrey pour le
18service de sa magesté et le votre. Mays, monsieur, vous connoissez
19tropt mieulx le pays que moy, qui est mal aysé pour la cavalerie
20en beacopt de lieulx et porroit advenir quelle viendroient à sengager
21quelques foys en iceulx si elle nestoit assister de quelque troppe
22darquebuziers à pied. Monsieur d’Ambrun, à mon arrivée, donnat en ce
23lieu quinze arquebuziers à prendre le paiement sur des lieulx tenuz
24par lennemi, quilz nont pas eu grand moien den estre paiez comme
25il vous aperra assés par la comission ; totteffoys, je les y ay faict
26entretenir le mieulx que jay peu et le plus souvant du mien. Sil vous
27plaict augmenter ce nombre jusques à cinquante et en donner la
28charge au cappitaine La Varenne, present porteur, je massure que avec une
29compagnie de cavallerie, les ennemys seront batuz en quelque part
30quilz soient truvés, et je le vous dis, monsieur, parce que je les
31ay tous veuz icy devant trois ou quatre foys et que si jen
32eusse eu seullement la moitié, jeuse pancé faire entreprinse sur
33eulx à laquelle ilz neussent rien gaignié. Jay seu comme messieurs de
34Gap vous ont faict depeche par laquelle je croy quilz se veulent
35excuser den recepvoir. Je croy quilz ne savent ce quilz demandent et
36avec cella, monsieur, je massure que si vous vouliez conformer voz
37dessaings au gré dung peuple, le service de sa magesté ne seroit
38faict comme il est de besoing, car je pance que cela tant sen
39fault quil soit à la folle du pays que ce sera le grand solagement,
40faisant cesser par ce moien tottes les cottes faictes par les ennemys,
41et celles qui seront faictes pour cest effaict seront beaucopt
42moindres et seront esgallées sur tout le general. Jentens pourveu
43que quelques temps après vous ne retiriés les forces dycy, car
44cella advenant, les ennemys feroient paier tous les arrerages
45que seroit une double folle au pays. Ilz ne seront pa si bien
46[v] traictés comme en la France, si est ce que je croy que il ne
47leur mancquera ne foin ne avoyne, pain, vin, ne chair de moton, danrées
48que sont encores icy à honneste pris sellon lannée ; daultres
49rafrechissemens ilz nen porront quères avoir de leurs personnes ;
50ilz seront logez serrez et couchez sur des lictz de feulle. Pour
51leurs chevaulx, il y a bonnes escuries. Je vous supplie croyre,
52monsieur, que le proffict ne conduict point ce gentilhomme vers
53vous, mays seullement lenvye quil a de vous faire service,
54lequel se contentera de ce que vous vouldrés. Je vous
55respondrey quil aura son nombre complaict et que je luy servirey
56de commissaire et contrerolleur ; et au surplus quil ne se fera
57aucun abuz pourveu que les gens que vous envoyerés veulent
58croire mon conseil et que jespère quil se fera de belles
59entreprinses. Pour le moins, je vous assure bien que en cent
60et tant de chevaulx que jay veu de lennemy, il ny en a pas
61trente de bons et que si les notres veulent aller à la guerre
62souvant, je vous respondrey que lennemy nosera guères sortir
63de ses forteresses ; et si parmy le marché, je sens aprocher
64quelque vent dune bonne intelligence sur lune dicelles, laquelle
65à tout le moins je vous assurerey bien que nous tiendrons soubz
66votre entière obéissance despuys St-Bonnet et Veynes en sà,
67pourveu que aultres forces ne viennent pour eulx au moyen
68de quoy ilz ne porront tant negocier dentreprinse et
69dintelligences comme ilz ont voulu faire ces derniers jours
70tant sur Ambrun que sur Guillestre, et comme ilz font
71jornellement. Et pour tottes mes recompances, je ne demande
72que dy despandre le mien, la continuation de voz bonnes graces
73et votre tesmoniage envers sa magesté lors que j’aurey merité
74quelque chose. Et sur ce, je vous baise humblement les
75mains et prie Dieu,
76monsieur, vous donner en parfaicte santé ce que bien desirés.
77De la Bastie Neuve, ce XXIIIIe janvier 1574
78Votre bien humble serviteur
79Levesque de Gap